La notion de Qi
Le Qi est le terme chinois utilisé pour désigner l’énergie animatrice de l’Univers. C’est un concept de la cosmologie chinoise utilisé pour décrire la formation de l’Univers et l’ensemble des phénomènes naturels.
Étymologie du terme Qi:
On observe la première apparition du caractère Qi dans les écritures sur ossements de la Dynastie des Shang (1600-1028 Av. J-C.) et les écritures sur bronzes de la Dynastie des Zhou (1028-221). Il apparaissait alors sous la forme de trois traits horizontaux désignant les souffles ou les vapeurs. Cette graphie fut adoptée jusqu’à la Dynastie des Zhou occidentaux (1066-770 Av. J-C.). (Johnson).
Par la suite, différentes variantes du caractère peuvent être observées comme c’est le cas par exemple dans le texte gravé sur un prisme de jade de la Dynastie des Royaumes combattants (475 à 221 avant J.C.) Xinqi ming, qui consiste en la plus ancienne attestation écrite des pratiques de la culture du souffle.
Dans ce cas-ci, on retrouve le caractère avec la composante du feu huo 火 en-dessous des trois traits horizontaux. Le feu représente la transformation et réfère à l’aspect alchimique du Qi.
Dans une autre version plus tardive essentiellement utilisée dans les textes taoïstes on le retrouve écrit 炁. Ce caractère se compose de 旡 wu qui est une négation ou qui signifie le vide, sur le radical 灬, qui se rapporte au feu huǒ 火. Cette représentation met l’accent sur l’aspect immatériel et insaisissable du Qi.
Durant la dynastie des Song (960 – 1279), on adopte la version suivante 氣 avec le boisseau de riz mi 米 en-dessous du souffle 气. Ceci symbolise la vapeur qui émane de la cuisson du riz. La composante plus matérielle du grain de riz évoque deux choses: l’une des sources principales d’énergie que représente la nourriture, mais surtout un aspect plus dense, plus yin qui s’oppose aux qualités subtile et éthérée de l’air qui est yang. Comme quoi, le Qi est présent tant dans la matière condensée et visible que dans les souffles invisibles et qu’il peut passer d’un état à l’autre, tantôt matériel, tantôt immatériel.
Ce concept de Qi se est le socle de la pensée chinoise et pénètre littéralement tous les domaines du savoir de la Chine ancienne, que ce soit la philosophie, les arts, la médecine, l’astrologie, la géomancie, etc.
Le Qi de la nature:
À l’intérieur des discours philosophiques et cosmologiques, le Qi est considéré comme le souffle animateur du cosmos, l’origine de toute chose. Sans forme et sans apparence, il englobe tout et pénètre tout dans l’univers : « Son immensité n’a pas d’extérieur, sa petitesse n’a point d’intérieur ». Dans ce contexte, il peut être parfois nommé yuan qi, le Qi originel.
Les penseurs chinois avaient admis que cette forme de qi, décrite comme invisible et impalpable, était à l’origine de tous les phénomènes visibles. En d’autre mot, que l’ensemble des êtres, dans leur complexité et leur diversité, ne seraient qu’une manifestation plus ou moins condensée de qi, issues de ses continuelles transformations. Ce que l’on entend par transformation (qi hua), c’est le va-et-vient constant entre l’état condensé, solide, tangible et l’état évaporé, éthéré et subtil. C’est ce à quoi fait référence le philosophe Zhang Zai de la dynastie des Song (960-1279) : « La vacuité suprême est informe, c’est le qi originel, tantôt il se condense, tantôt il se dissipe, ses transformations donne forme aux choses ». Ainsi, production et engendrement, déclin et disparition, sont le fruit des constantes transformations du qi. L’homme n’est pas étranger à ce phénomène, comme l’admet déjà le Zhuangzi: « L’homme doit la vie à une condensation de qi. Tant qu’il est condensé, c’est la vie; mais dès qu’il se dissipe, c’est la mort. » Ce même phénomène, Wang Chong l’évoque par la métaphore de l’eau : « L’eau se condense et donne la glace, le qi se condense et donne l’homme ».
Le Qi de l’homme:
Transposé au plan des êtres vivants, c’est lorsque le Qi se combine au Sang xue, que le corps physique peut se former. Le Qi de l’homme fait l’objet de nombreuses descriptions à l’intérieur de la théorie de la médecine traditionnelle chinoise. Dans le Suwen, il est dit : « les qi yang, par les essences, nourrissent l’esprit, par leur souplesse, nourrissent le musculaire ». C’est donc l’élément qui la source autant des activités physiques que mentales. Selon les
différentes positions qu’il occupe et les différentes fonctions qu’il régit, on le retrouve sous des noms variés tels que : le qi véritable (zhenqi 真气), le qi originel (yuanqi 元气), le qi nourricier (yingqi 营气), le qi défensif (weiqi 卫气), les qi purs (qing qi 清气), les qi troubles (zhuo qi 浊气) le qi des méridiens (jingluo zhi qi 经络之气), des organes (zangfu zhi qi 脏腑之气), etc.
Conclusion:
Ce qu’il importe de retenir, c’est que le concept de Qi propose une vision énergétique de l’homme et de la nature. Ceci est une caractéristique propre à la pensée chinoise qui, très tôt, avait compris que les éléments matériels et immatériels avaient une même source et étaient en constante transformation et non fixés. On ne faisait donc pas de distinction entre la matière animée et inanimée. Tout fait partie du même flux constant et cyclique qui passe du visible à l’invisible.
Ceci nous amène à la seconde grande caractéristique à la base de cette pensée qui est la vision holistique de l’homme et de la nature. Comme quoi tout est interrelié et inséparable. Effectivement, les Chinois n’opèrent aucune dichotomie entre le corps et l’esprit ainsi qu’entre l’homme et la nature.
Finalement, on peut également conclure que cette pensée élaborée autour du concept du Qi propose une vision physique de l’homme et de la nature c’est-à-dire que la notion d’énergie Qi est profondément ancrée dans le concret et la matière par opposition au concept de la méta-physique (au delà de la matière) qui sous-entend une forme d’existence qui transcende le monde matériel.