fbpx

Le Grang MaƮtre Feng Zhiqiang

MaĆ®tre Feng Zhiqiang est un expert en art martial chinois contemporain, membre du ComitĆ© des Arts Martiaux chinois, vice-prĆ©sident du ComitĆ© Wushu de Beijing, prĆ©sident de lā€™Association de Recherche du Taiji quan style Chen Beijing et directeur de lā€™Institut martial Zhiqiang. Il appartient Ć  la 18ĆØme gĆ©nĆ©ration en Taiji quan style Chen et est le fondateur du style Xinyi Hunyuan Taiji quan.
Originaire du district Shulu, province de Hebei, MaƮtre Feng Zhiqiang est nƩ en 1928.
La famille Feng est anciennement connue Ć  Shulu comme une famille de tradition bien ancrĆ©e dans le maniement des armes. Son arriĆØre-grand-pĆØre Ć©tait un mandarin militaire- Wuju vers la fin de la dynastie Qing. Il excellait au maniement de la hallebarde, au tir Ć  lā€™arc et en Ć©quitation. Il avait une force physique Ć©tonnante et des techniques en arts martiaux remarquables.
De la gĆ©nĆ©ration des parents de Feng Zhiqiang, un oncle Wang Yunkai pratiquait la boxe du Shaolin. InfluencĆ© trĆØs fortement par les traditions familiales et par les coutumes locales, Feng Zhiqiang est attirĆ© trĆØs jeune par ces pratiques, fait des dĆ©monstrations dā€™exercices de bras et de jambes devant son arriĆØre-grand-pĆØre et savoure les histoires ā€˜de capes et dā€™Ć©pĆ©esā€™  racontĆ©es par son oncle Wang.
A huit ans, aprĆØs la mort de lā€™arriĆØre-grand-pĆØre, il a de plus en plus envie de sā€™initier Ć  la pratique. Lā€™oncle Wang lui accorde de sā€™entraĆ®ner avec son fils au ā€˜Shaolin Tongzi gongā€™ , Ć  la posture de lā€™arbre ā€“ Zanzhuang, aux exercices de ā€˜Damo modifiant les tendonsā€™ et Ć  la boxe chinoise.
Avec un don innĆ© et de qualitĆ© rare, en quatre annĆ©es, il acquiert de solides bases et progresse rapidement. MalgrĆ© son jeune Ć¢ge, il est capable de porter un bloc de pierre de 200 kg de pierre et de faire le tour de la cour. Lā€™oncle est trĆØs surpris de cette vigueur et de ces performances.
De caractĆØre agitĆ© comme les garƧons de son Ć¢ge, tenace et aimant la justice, nā€™ayant peur ni ā€˜du ciel qui tombe sur la tĆŖte ni de la terre qui tremble sous les piedsā€™, il devint vite le ā€˜justicierā€™ qui aide les plus faibles et punit les petites crapules locales. A cause de ses grands yeux dans un visage ressemblant Ć  la face dā€™un tigre, il est connu dans les parages avec le surnom ā€˜Tigre aux grands yeuxā€™. Les jeunes le considĆØrent comme ā€˜le roi des enfantsā€™, les petits voyous du coin le traitent de ā€˜comĆØte de malheurā€™. Pour Ć©viter que les litiges belliqueux ne sā€™amplifient, sa famille dĆ©cide de lā€™envoyer Ć  Beijing chez un parent, loin du village. En le plaƧant comme apprenti dans une fabrique, elle espĆØre que Feng y acquiĆØre un mĆ©tier. Elle ne sā€™attendait nullement Ć  ce que ce choix le conduisit droit au succĆØs dans les arts martiaux.

Travailler dur la boxe ā€˜Tongbei quanā€™ et premier succĆØs.

En ce temps-lƠ, la capitale Beijing (anciennement PƩkin), lieu de rassemblement de tous les styles et de tous les maƮtres en arts martiaux du pays, devenait le centre reprƩsentatif des styles du nord.
Un soir, pendant son entraĆ®nement dans la cour, Feng entendit des bruits secs de frappe: quelquā€™un Ć©tait entrain de sā€™entraĆ®ner Ć  la boxe. Par curiositĆ©, il monta sur le muret : Son voisin Ć©tait en pleine rĆ©pĆ©tition de la Boxe du Gibbon – Tongbei quan et avait lā€™air dā€™ĆŖtre un expert en la matiĆØre. Content de trouver quelquā€™un pour apprendre davantage, il enjamba le muret et demanda son voisin de le prendre comme Ć©lĆØve. PassĆ©e sa premiĆØre surprise et voyant ce jeune vigoureux, vif avec une ā€˜bonne bouilleā€™ et lā€™air dĆ©cidĆ©, MaĆ®tre Han Xiaofeng lā€™accepta comme Ć©lĆØve.
EstimĆ© Ć  Beijing comme Ć©tant lā€™un des deux experts en boxe Tongbei, maĆ®tre Han, originaire de Hebei Cangzhou excellait surtout en Tongbei, Ć  la frappe aux points dā€™acupuncture -Dianxue et aux exercices de Qinggong.
Ainsi, guidĆ© par son second maĆ®tre, Feng sā€™entraĆ®nait dur aux exercices de Tongbei, Ć  la frappe des ā€˜Paumes Zhushaā€™, des poteaux et des sacs et travaillait aussi la boxe Shaolin. AprĆØs quatre ans, de progrĆØs palpables, le dotant dā€™une puissance physique percutante, Feng pouvait casser cinq briques Ć  main nue, contrait sept ou huit adultes sans problĆØme. En ce qui concerne le travail en boxe Tongbei, il comptait parmi les nouvelles figures montantes.
Un jour, en compagnie de quelques copains, il passait devant un magasin de charbon oĆ¹ un Ć¢ne broutait de la paille. EffrayĆ© par le passage des gens, lā€™Ć¢ne donna un coup de patte qui blessa un copain de la bande. Apercevant cela, Feng envoya un coup de paume sur la cuisse de lā€™animal, sans imaginer que ce coup allait rendre le pauvre animal impotent !
A vingt ans, le jeune Feng gagnait rĆ©guliĆØrement pendant des ā€˜Ć©changesā€™ techniques en accumulant de multiples expĆ©riences. Sa renommĆ©e grandissait de jour en jour dans la Capitale.

Les techniques Xinyi lui ouvrent sa voie.

A lā€™Ć©poque, dans le milieu Wushu de la capitale,  deux experts se font remarquer, tous deux excellent en arts martiaux internes.
Hu Yaozhen (1879-1973), originaire de Shanxi,  Ć©tait passĆ© maĆ®tre en arts martiaux, en MĆ©decine traditionnelle chinoise et en recherche sur le taoĆÆsme. Il Ć©tait trĆØs fort aussi en boxe Xinyi quan.
Lā€™autre. MaĆ®tre Chen Fake de la 17ĆØme gĆ©nĆ©ration en Taiji quan style Chen, venait de la province Henan, du village Chen Jiagou.
Le milieu des arts martiaux prenait grand plaisir Ć  raconter les anecdotes les concernant et pouvoir suivre leur enseignement devenait une vraie chance dans la vie.
Ainsi, chez le jeune Feng, cette envie de faire leur connaissance devenait de plus en plus forte. Mais Ć  cette Ć©poque, Ć  cause des rĆØgles trĆØs strictes de chaque Ć©cole et ne connaissant personne pour ĆŖtre introduit auprĆØs de ces deux experts, Feng a dĆ» garder ce dĆ©sir au fond de lui-mĆŖme.

Par hasard, il dĆ©couvrit quā€™un de ses condisciples connaissait MaĆ®tre Hu et lui demanda dā€™obtenir une entrevue.
Lors de cette rencontre, Feng voyant que MaĆ®tre Hu nā€™Ć©tait quā€™un simple “bonhomme” aimable, avec de mains fines, trĆØs loin des clichĆ©s du super hĆ©ros quā€™il avait imaginĆ©s, commenƧa Ć  se poser bien des questions.
AprĆØs avoir entendu Feng expliquer son parcours, MaĆ®tre Hu lui dit : “Tu es un trĆØs bon Ć©lĆ©ment. Mais pour progresser, ce nā€™est pas de cette maniĆØre quā€™on y arrive.”
Feng ne comprenait pas: “Jā€™ai commencĆ© trĆØs jeune lā€™entraĆ®nement Ć  la boxe de Shaolin, Ć  la boxe Tongbei, au renforcement musculaire, Ć  la casse. Comment se fait-il que cette maniĆØre ne marche pas ?”
SĆ©rieusement, MaĆ®tre Hu lui rĆ©pondit : “Les arts martiaux chinois sont trĆØs riches, ce ne sont pas des entraĆ®nements de force brute. La maniĆØre de tā€™entraĆ®ner comme tu lā€™as fait va te casser physiquement, cā€™est ā€˜dĆ©truireā€™ le corps que tes parents tā€™ont donnĆ©.”
“Se dĆ©truire?!” Feng semblait tomber des nues. Il avait toujours entendu dire : “Il faut travailler dur, sinon on nā€™obtient pas de bons rĆ©sultats.”
MaĆ®tre Hu voyant que Feng ne pouvait pas saisir tout de suite le vrai sens de cette conversation, suggĆ©ra que Feng le frappĆ¢t.
Feng refusa en disant quā€™il nā€™osait pas.
MaĆ®tre Hu lui dit: “Comme je te dis de le faire, fais-le. Tu peux frapper oĆ¹ tu veux, Ć  ta guise.”
Utilisant le tiers de sa force, Feng donna deux coups de poings.
MaĆ®tre Hu le pressa de frapper avec toute sa force. Feng pensa en son fort intĆ©rieur : “Cette fois ci, cā€™est vous qui me dites de frapper, alors il ne faudra pas se plaindre que je ne respecte pas les ā€˜vieux.ā€™”
ChargĆ© de toute sa force, Feng fonƧa vers MaĆ®tre Hu avec un coup de poing direct. Cā€™Ć©tait fulgurant et trĆØs puissant. Mais cā€™Ć©tait comme frapper sur du coton. Le laps de temps de surprise passĆ©, une Ć©norme force le renvoya en arriĆØre. Il Ć©tait projetĆ© contre le mur Ć  trois mĆØtres derriĆØre, la tĆŖte vidĆ©e, les yeux pleins de mouches, livide. En revenant petit Ć  petit Ć  soi, il sā€™aperƧut quā€™il nā€™Ć©tait pas blessĆ© et que MaĆ®tre Hu nā€™avait pas bougĆ© dā€™un pouce. Inconsciemment, il avait eu lā€™impression dā€™ĆŖtre allĆ© heurter contre un mur dā€™air et dā€™avoir Ć©tĆ© renvoyĆ© par ce dernier. Il se sentait trĆØs surpris. Cā€™Ć©tait invraisemblable.
Pendant ce temps, MaĆ®tre Hu lui disait: “Cā€™est mon tour.”
Feng se disait : “Ca tombe bien car jā€™Ć©tais surpris tout Ć  lā€™heure et je nā€™avais pas vu comment Ć©tait venue la contre-attaque ; Alors que maintenant, je suis prĆŖt en dĆ©fense et peux voir comment va venir lā€™attaque”.
Feng se tenait bien concentrĆ©, dans une posture stable comme du roc, forgĆ©e par une dizaine dā€™annĆ©es de pratique. Apercevant MaĆ®tre Hu sā€™avancer avec un doigt pointĆ© vers lui, Feng rassemblait tout son esprit et toute sa puissance physique, prĆŖt Ć  la contre-attaque. Ne voyant rien de concret sur le corps, la surprise Ć  peine passĆ©e, il sentit une force sortir du doigt de MaĆ®tre Hu. Comme Ć©lectrocutĆ©, tout son corps trembla et fut projetĆ© Ć  nouveau contre le mĆŖme mur de tout Ć  lā€™heure, comme par une dĆ©charge Ć©lectrique.
Abasourdi, Feng ne comprenait rien, et demanda : “Cā€™est quoi comme travail – gongfu?”
MaĆ®tre Hu sourit et lui rĆ©pondit: “Cā€™est du travail de lā€™Ć©nergie interne – neijia qigong. Il permet lā€™accumulation de lā€™Ć©nergie en une ā€˜graineā€™, la concentration de la force en un point.”
Tout Ć  coup, le surnom de MaĆ®tre Hu revenait Ć  son esprit : “Un doigt fait vibrer le Qiankun”.
Dā€™un seul coup, son champ de vision sā€™Ć©largit, enfin son rĆŖve dā€™apprendre de vĆ©ritables techniques allait se rĆ©aliser !
A partir de ce moment, Feng suivit lā€™enseignement de son 3ĆØme MaĆ®tre: le travail Ć©nergĆ©tique interne de lā€™Ć©cole et la boxe Intention – Cœur Ā« Xinyi Liuhe Ā». De lā€™accumulation dā€™Ć©nergie Ć  la transformation de lā€™Ć©nergie, de la Posture des trois “corps” au travail du Dan tian, des “Quatre saisies” aux “douze formes et vingt quatre mains”, ces exercices meublaient ses journĆ©es.
Dā€™annĆ©e en annĆ©e, grĆ¢ce Ć  de solides bases et Ć  lā€™extraordinaire envie dā€™apprendre, Feng maĆ®trisa rapidement les techniques, atteignit un bon niveau au sein de lā€™Ć©cole Xinyi et devint plus stable.

La Voie du Taiji

Pendant deux longues annĆ©es, sous la direction du MaĆ®tre Hu, Feng a beaucoup progressĆ© en travail interne Xinyi: Non seulement le circuit “Zhoutian” joint, les trois Centres ouverts, lā€™Ć©nergie transformĆ©e en “Esprit”, mais encore la “Porte du Ciel” ouverte, la “Porte de la Terre” fermĆ©e, le grain ā€˜Hunyuanā€™ se dĆ©plaƧant Ć  sa guise, lā€™Ć©lasticitĆ© garnissant tout le corps. Devant un adversaire, le seul contact suffisait pour faire la diffĆ©rence. Feng avait changĆ©, on aurait dit une autre personne.

DĆ©jĆ , MaĆ®tre Hu rĆ©flĆ©chissait sur lā€™avenir de son disciple.
MaĆ®tre Hu Ć©tait quelquā€™un de clairvoyant. Il trouvait que Feng Ć©tait non seulement talentueux mais susceptible de devenir un jour le prĆ©curseur dā€™un nouveau courant, rassemblant plusieurs disciplines.
En effet, les arts martiaux chinois ont une longue histoire et une tradition profonde ; chaque Ć©cole, chaque courant ne reprĆ©sente quā€™une infime partie de ce grand “Puzzle”. Seulement, Ć  cause des contraintes claniques entre Ć©coles ou courants, les Ć©changes Ć©taient rares et les milieux trĆØs fermĆ©s. Ces faits ne favorisaient pas du tout le dĆ©veloppement ni la relĆØve des jeunes gĆ©nĆ©rations dans ce domaine.
AprĆØs plusieurs annĆ©es dā€™observation, Monsieur Hu trouvait que le Taiji quan style Chen et la boxe Intention-Cœur “Xinyi” faisaient partie de la mĆŖme famille car tous deux avaient la mĆŖme base philosophique de la transformation yin-yang, le mĆŖme travail du souffle et toutes les techniques martiales propres Ć  tous les autres styles du Taiji quan qui dĆ©coulent tous du style Chen.
Il dĆ©cida dā€™introduire Feng auprĆØs de son ami Chen Fake(1887-1957), illustre reprĆ©sentant du Taiji quan style Chen.
Feng Ć©tait en mĆŖme temps trĆØs content et perplexe. Content car il pourrait ainsi apprendre auprĆØs de deux illustres maĆ®tres, perplexe car devenir en mĆŖme temps disciple de deux maĆ®tres Ć©tait ā€˜contraireā€™ Ć  la tradition du ā€˜milieuā€™ ā€“ on est disciple dā€™un seul maĆ®tre et Ć  vie.
Voyant que son disciple avait du mal Ć  comprendre, MaĆ®tre Hu lui expliqua : “Le Taiji et le Xinyi font partie de la mĆŖme famille. Tu pourrais apprendre le Taiji quan auprĆØs du MaĆ®tre Chen et continuer Ć  suivre mes cours pour le Xinyi. On appelle cela le ā€˜double apprentissageā€™. Il tā€™aidera Ć©normĆ©ment. Il te faut vraiment saisir cette grande chance et la prĆ©server. Alors tu auras un avenir rayonnant.”
Il ajouta : “Wushu est un hĆ©ritage ancestral mais non familial. Il ne faut pas sā€™enfermer dans des querelles claniques. Au contraire, il faut sā€™ouvrir et absorber tout ce qui est meilleur que soi. Ainsi nous aurons la chance de promouvoir et de dĆ©velopper cet art.”
Depuis, Feng est fortement imprĆ©gnĆ© par cette pensĆ©e qui lā€™accompagne tout le long de sa vie et influence fortement ses actions pour la transmission de cet hĆ©ritage.
MaĆ®tre Chen comprit cet acte rare et solennel de son ami, il comprit aussi que Feng nā€™Ć©tait pas un jeune quelconque. Il accepta volontiers Feng comme disciple.
A partir de ce moment, Chen Fake devenait le quatriĆØme maĆ®tre dā€™art martial de Feng.
Qui aurait pu soupƧonner que quelques dĆ©cennies aprĆØs, cā€™est justement ce disciple “non-Chen” qui reƧut lā€™hĆ©ritage du style Chen et qui porta cet art Ć  travers le monde entier ?
Depuis ce “double apprentissage”, Feng sā€™entraĆ®nait encore plus assidĆ»ment quā€™avant. A ce moment lĆ , il avait fini sa pĆ©riode dā€™apprentissage et pouvait se suffire Ć©conomiquement.
Ainsi, il arrangeait son emploi du temps pour sā€™entraĆ®ner au qigong et Ć  la boxe sept heures de suite, entre 4 heures et 11 heures. Il passait du Xinyi au Taiji, du Liuhe au Chansi, du Neigong au Waigong, du Jinggong au Donggong, de la posture immobile Ć  la posture mobile, des exercices solo aux exercices en duo, des enchaĆ®nements Ć  la poussĆ©e de mains. En mĆŖme temps quā€™il sā€™entraĆ®nait au Taiji et au Xinyi, il sā€™entraĆ®nait Ć  lā€™externe et Ć  lā€™interne,
De 1950 jusquā€™Ć  1957, en lā€™espace de huit ans, Monsieur Chen Fake lui a modifiĆ© huit fois lā€™enchaĆ®nement. Ainsi, il a pu saisir les principes essentiels du Taiji quan ainsi que la faƧon traditionnelle pour sā€™entraĆ®ner. A travers la transmission orale du MaĆ®tre Chen et ce quā€™il pouvait en comprendre, il cherchait les explications sur le principe de la boxe, de la loi de transformation “Yi”, de la MĆ©decine traditionnelle chinoise et des techniques martiales auprĆØs de Monsieur Hu Yaozhen. En combinant toutes ces informations et Ć  travers sa propre pratique, au fur et Ć  mesure, il en a fit la synthĆØse, en crĆ©ant des liaisons entre ces disciplines apparemment Ć©loignĆ©es les uns des autres.
En 1953, Ć  Beijing, sā€™est constituĆ© le “Cercle dā€™Ć©tude des arts martiaux de la Capitale” avec Chen et Hu Ć©lus respectivement comme PrĆ©sident et vice-prĆ©sident. Il permet aux membres des Ć©changes thĆ©oriques et des entraĆ®nements avec des MaĆ®tres connus ou Ć©clairĆ©s.
Les condisciples de Feng sā€™y rendaient deux ou trois fois par semaine mais Feng sā€™y rendait quotidiennement. Une fois sur place, il commenƧait toujours par rendre service au Cercle et Ć  ses maĆ®tres par diffĆ©rents menus mĆ©nages, il attendait les moments libres ou des instants de disponibilitĆ©s de ses maĆ®tres pour leur poser des questions ou rĆ©pĆ©ter une technique. Il ne ratait jamais aucune de ces occasions pour apprendre.
A cette Ć©poque-lĆ , MaĆ®tre Chen lui avait confiĆ© une mission : tenir compagnie Ć  Chen Zhaokui (1928-1981), fils cadet du MaĆ®tre et ĆŖtre son partenaire dā€™entraĆ®nement. Du coup, tous les soirs, il a pu profiter pleinement des prĆ©cieux conseils du maĆ®tre.
En ce qui concerne les Ć©changes techniques, que ce soit avec des personnes externes Ć  lā€™Ć©cole ou ses propres disciples, MaĆ®tre Chen Fake les faisait toujours avec beaucoup de soin, de mesure et de sĆ©rieux.
Les condisciples de Feng voulaient Ć©videmment apprendre. Par contre, pour recevoir des coups, ils Ć©taient moins volontaires; cā€™est pourquoi, ils limitaient leurs efforts Ć  rĆ©pĆ©ter les enchaĆ®nements puisque les enchaĆ®nements se travaillent seuls. Pour Feng, prendre des coups nā€™Ć©tait pas agrĆ©able certes, mais il en tirait un enseignement. Donc malgrĆ© la duretĆ© de ces exercices, il nā€™abandonnait rarement. A la longue, une habitude non codĆ©e sā€™installait entre les Ć©tudiants : dĆØs quā€™il y avait un test avec maĆ®tre Chen, ils le “cĆ©daient” volontiers Ć  Feng. Et au fil du temps avec lā€™Ć¢ge qui avanƧait, maĆ®tre Chen laissa la plupart des “Ć©changes techniques” au bon soin de Feng.
Avec la pratique, Feng progressait rapidement et commenƧait Ć  ĆŖtre connu comme Ć©tant le Disciple de Chen Fake.
Dans une des lettres envoyĆ©es Ć  Wan Wende de Shanghai Ć©crite par Chen Zhaokui, on pouvait lire : “Jā€™ai un shixiong prĆ©nommĆ© Feng Zhiqiang. Il est intelligent et parmi mes condisciples, cā€™est lui qui est le mieux en Kungfu (en technique martiale)”.
A peine trente ans passƩs, Feng combinait les techniques du Xinyi et du Taiji quan, expert en interne aussi bien en externe. Le milieu des arts martiaux pƩkinois commenƧait Ơ le connaƮtre.

Tisser les liens au sein de lā€™Ć©cole.

En 1957, maĆ®tre Chen dĆ©cĆ©dait. Un problĆØme crucial pour les disciples de la 18iĆØme gĆ©nĆ©ration fut posĆ© : Qui se chargerait de la continuitĆ© et du dĆ©veloppement de lā€™Ć©cole ? Ce moment correspondait en Chine au mouvement politique du “Grand Bond en Avant”. Feng travaillait dur dans une usine mĆ©tallurgique. Le travail y Ć©tait trĆØs physique et usant. Feng ne donnait pas de cours mais il se souciait de ce qui arrivait Ć  ses condisciples et rĆ©pondait prĆ©sent dĆØs quā€™ils avaient besoin de lui. Un pacte fut convenu entre eux : 1. Ne pas chercher la provocation. 2. Pas dā€™Ć©changes- exercices avec les personnes extĆ©rieures Ć  lā€™Ć©cole. 3. En cas de challenge-combat, cā€™est Feng qui sā€™en chargerait. Un jour, un reprĆ©sentant dā€™une Ć©cole connue se pointa devant leur salle dā€™entraĆ®nement. Exprimant le dĆ©sir de faire des “Ć©changes amicaux”, il ajouta : “Le Taiji quan est beau Ć  regarder mais nul techniquement. Cā€™est juste bon pour aider la digestion.” Une date fut fixĆ©e pour cet “Ć©change” et Feng fut prĆ©venu. Au jour J, ce provocateur accompagnĆ© de quelques amis, dĆØs quā€™il aperƧut le condisciple de Feng, il lui fonƧa dessus. Feng sā€™avanƧa, lā€™arrĆŖta et dit: “Ce nā€™est pas la peine que vous vous adressiez Ć  mon condisciple aĆ®nĆ©. Cā€™est moi qui vais vous recevoir.” AprĆØs avoir fait quelques cercles autour de Feng, le provocateur se tenait prĆŖt. A peine le contact fut-il Ć©tabli, il fut comme Ć©lectrocutĆ© et projetĆ© lourdement par terre, respiration bloquĆ©e. Feng alla vite auprĆØs de lui pour le ranimer avec un massage des points vitaux. Revenant lentement Ć  lui et voyant que Feng le collait, il reprit vite ses distances et lanƧa : “On se reverra dans trois jours” et dĆ©guerpit rapidement. Une autre fois, une cĆ©lĆ©britĆ© de lā€™autre cĆ“tĆ© de la Grande Muraille, a demandĆ© un “Ć©change” avec Feng qui accepta volontiers. AprĆØs coup, cette personne, Ć©tant conquise, dit beaucoup de bien sur Feng qui lui rĆ©pondit par un sourire. Une autre fois encore, un MaĆ®tre qigong fort connu a proposĆ© Ć  Feng de tester leur travail mutuel en sā€™arrĆŖtant de sā€™alimenter et en ne buvant quā€™un peu dā€™eau. Trois jours aprĆØs, Feng sā€™entraĆ®nait au tournoiement de la barre de fer, lourde de 15 kg, tandis que le-dit MaĆ®tre qigong nā€™avait de force que pour marcher.

Parmi ses condisciples, une amitiĆ© solide sā€™Ć©tait tissĆ©e entre Feng et Chen Zhaokui. Ils Ć©taient insĆ©parables depuis que MaĆ®tre Chen a demandĆ© exprĆØs Ć  Feng de prendre soin de ce jeune frĆØre.
Du coup, Feng faisait de son mieux pour quā€™ils sā€™entraĆ®nent ensemble et apportait toute sa bienveillance envers ce jeune condisciple qui la lui rendait bien : avant et aprĆØs chacun de ses dĆ©placements en province, Chen Zhaokui prenait lā€™habitude de passer chez Feng pour le voir et Ć©changer les informations.
Aussi aprĆØs le dĆ©cĆØs prĆ©maturĆ© de Chen Zhaokui, Feng le regretta-t-il souvent.
En 1981, quand les condisciples de Feng apprirent son dĆ©part en prĆ© retraite, ils se prĆ©cipitĆØrent chez lui pour lui demander de se consacrer Ć  la rĆ© organisation de lā€™Ć©cole.
En 1983, le “Cercle Beijing de recherche sur le Taiji quan style Chen” fut crĆ©Ć© et Feng en devint le prĆ©sident.
A partir de cette date, le Taiji quan style Chen fut de plus en plus enseignĆ© dans les autres villes chinoises puis Ć  lā€™Ć©tranger.

Ramener le Taiji quan style Chen Ć  son berceau.

Le village Chen Jiagou Ć  la province Henan fut le berceau du Taiji quan style Chen oĆ¹ Ć  chaque gĆ©nĆ©ration surgissaient des MaĆ®tres des arts martiaux remarquables.
A la 17ĆØme gĆ©nĆ©ration, comme MaĆ®tre Chen Fake sā€™Ć©tait illustrĆ© techniquement, il devenait dā€™office le “reprĆ©sentant” de ce style.
Quand il quitta son village Chen Jiagou et sā€™installa Ć  la capitale, Beijing devint ainsi le foyer de rencontre du Taiji quan style Chen.
A la fin de la “RĆ©volution Culturelle”, la vie normale reprit ses droits. Les activitĆ©s culturelles et artistiques refirent surface. Le milieu des arts martiaux se restructura de fond en comble. Mais les dix ans de la RĆ©volution Culturelle avaient laminĆ© la pratique du Taiji quan au village Chen.
Pour prĆ©server ce patrimoine culturel, le SecrĆ©taire du parti Ć  Chen Jiagou envoya une lettre Ć  Feng, pour lā€™inviter Ć  enseigner son art au village. Sentant la signification dā€™une telle mission, se souvenant des enseignements des MaĆ®tres Chen et Hu, Feng accepta de bon cœur.
Ainsi, vers 1979, en trois voyages succesives, les connaissances authentiques quā€™il avait acquises avec maĆ®tre Chen Fake furent transmises intĆ©gralement aux pratiquants du village initiĆ©s dĆ©jĆ  aux pratiques ancestrales et qui vinrent aussi Ć  Beijing pour se perfectionner.
Aujourdā€™hui, le solide dĆ©veloppement du Taiji quan au village Chen Jiagou est liĆ© Ć  la contribution de Feng pendant ces annĆ©es quatre-vingt.
En repensant Ć  ces moments passĆ©s au village Chen, en tenant compte des Ć©volutions rĆ©centes et en voyant lā€™avenir du Taiji quan, Feng Zhiqiang sā€™est remĆ©morĆ© une parole du maĆ®tre Hu Yaozhen : “Les arts martiaux chinois ne sont pas la propriĆ©tĆ© dā€™une famille ou dā€™une seule Ć©cole, mais bien le patrimoine du peuple chinois et de lā€™humanitĆ© tout entiĆØre.”

Quelques anecdotes sur la “force surhumaine”.

Vers les annƩes soixante, Feng travaillait dans une usine mƩtallurgique Ơ Beijing.
Un jour, une panne sā€™est produite sur le cĆ¢ble dā€™une remorque, une machine lourde de 500kg Ć©tait sur le point de tomber. Les ouvriers couraient dans tous les sens, affolĆ©s. Travaillant juste Ć  cĆ“tĆ©, en voyant la scĆØne, Feng fonƧa dessus, prit la machine dans les bras et la dĆ©posa par terre, pendant que les autres se remettaient de leur Ć©motion. Ils questionnaient Feng : “Connais-tu le poids de cette machine ? Au lieu de lā€™esquiver, pourquoi lā€™as-tu au contraire rĆ©ceptionnĆ©e ? As-tu seulement pensĆ© aux consĆ©quences ?”
Feng rĆ©pondit : “Sur le coup, je ne pense Ć  rien. Jā€™ai simplement ā€˜Ć©coutĆ©ā€™ mon cœur. Je ne sais mĆŖme pas comment jā€™ai fait pour aller en dessous de la machine, ni comment je lā€™ai tenu dans mes bras. Mais jā€™ai senti une chaleur partir de mon Dan tian , longer mon dos et monter vers ma tĆŖte et jā€™ai pris la machine.”
Dā€™ordinaire, ses collĆØgues savaient que Feng pratiquait les arts martiaux mais ils nā€™avaient aucune idĆ©e de son niveau. LĆ , ils ont pu voir de leurs propres yeux sa puissance surhumaine.
Depuis, tout le monde fut au courant quā€™un “superman” travaillait Ć  lā€™usine mĆ©tallurgique. Pas mal de jeunes voulaient tester Feng. Ce dernier les Ć©vitait rĆ©guliĆØrement.
Un grand gaillard, ayant servi dans lā€™armĆ©e et ayant entendu les “exploits” racontĆ©s sur Feng, cherchait Ć  les voir de visu.
Un jour, Feng en plein travail Ć©tait accroupi Ć  cĆ“tĆ© dā€™une machine. Le jeune, voyant cette bonne occasion, sā€™approcha de Feng par derriĆØre en douceur pour le pousser et le renverser par terre. Mais Ć  peine lā€™avait-il touchĆ© quā€™il fĆ»t projetĆ© lourdement par terre. Cette projection lui a clouĆ© le “bec” dĆ©finitivement.
Il y avait un maĆ®tre des arts martiaux qui, nā€™ayant jamais cru Ć  lā€™efficacitĆ© du Taiji quan, demandait Ć  tester Feng Ce dernier Ć©tait dā€™accord. Alors le MaĆ®tre commenƧa par donner un coup, une vrille de Feng le fit projeter en arriĆØre. Puis, Feng lui demanda de le pousser fort. Avec un tour du centre Dan tian accompagnĆ© dā€™un “Heng Ha” , la personne sā€™est vue jeter et tomber au sol. Elle a mis un bout de temps pour revenir Ć  elle-mĆŖme.
A cette Ć©poque, dans lā€™usine, il y avait une Ć©quipe de lutte chinoise formĆ©e de douze gaillards bien solides sur leurs jambes. Un jour, Feng qui passait devant leur salle dā€™entraĆ®nement, fut assailli par la bande voulant comparer leur force avec Feng. Alors, sans pouvoir leur refuser et amusĆ© par leur idĆ©e, Feng leur dit: “Cā€™est simple. Il vous suffit de vous mettre Ć  la queue leu-leu et me pousser de toutes vos forces”. Les lutteurs pensaient : Chacun de nous est fort comme un roc. Avec lā€™Ć©quipe rassemblĆ©e, Ƨa vaudra une poussĆ©e de quelques milliers de kg. Comment ne pas le renverser! Trop bonne occasion ! Alors, ils se mirent lā€™un derriĆØre lā€™autre, le premier mit ses mains contre le ventre de Feng et “un, deux, trois”, ils poussĆØrent tous en avant. Feng ne bougea pas dā€™un pouce. Tout Ć  coup, le ventre de Feng fit un tour et les douze grands gaillards tombĆØrent par terre. LĆ , ils sā€™inclinĆØrent devant la force surhumaine de Feng.
Un scĆ©nario similaire sā€™Ć©tait produit en 1987, Ć  lā€™occasion du Meeting International de Wushu Ć  Shenzhen. Un Ć©tudiant Ć©tranger qui voulait tester le niveau de Feng, avait formĆ© une queue de sept personnes. Le rĆ©sultat fut pareil que prĆ©cĆ©demment. Depuis, lā€™Ć©tudiant en question nā€™a cessĆ© dā€™exprimer son admiration.

Actes de bravoure.

Un jour, dans les annĆ©es cinquante, en rentrant de son travail, Feng traversait un Hutong. Soudain, il entendit au loin des cris fĆ©minins qui appelaient au secours. Il se prĆ©cipita vers elle. Trois jeunes voyous tentaient dā€™arracher la bicyclette dā€™une jeune fille. Voyant Feng sā€™approcher, chacun le menaƧa de son couteau en lui criant: “Tā€™occupes!!”.
Furieux, Feng leur lanƧa : “Justement, je vous ai croisĆ© et je vais mā€™occuper de vous !”
ImmĆ©diatement, il fit tomber le premier Ć  terre. Le deuxiĆØme lui fonƧa dessus avec le poignard.
Feng, aprĆØs esquiva la lame, dā€™un coup au poignet, il lui fit lĆ¢cher lā€™arme et fit plier lā€™adversaire en deux. Le troisiĆØme lā€™attaquait dĆ©jĆ  par derriĆØre.
En exploitant cet Ć©lan, Feng lui appliqua la prise “Freiner avec la taille et appuyer avec le coude”. Le troisiĆØme voyou fut projetĆ© par terre.
Avec la peur et la douleur mĆŖlĆ©es, les trois se sont sauvĆ©s aussi vite quā€™ils purent.
Feng accompagna la jeune fille jusque chez elle mais avant que les parents aient eu le temps de sortir le remercier, il repartit et disparut dans la foule.

Apporter la fiertĆ© Ć  son pays en transmettant lā€™art authentique.

Septembre 1981, un collĆØgue de lā€™Institut de PĆ©kin de Wushu rendait visite Ć  Feng, lā€™air embarrassĆ©. Voici son histoire :
Un occidental, maƮtre en arts martiaux est venu Ơ PƩkin.
Connaissant plusieurs styles et techniques de combats aussi bien occidentaux quā€™orientaux et ayant parcouru plusieurs pays dā€™Asie du sud-est, il Ć©tait dƩƧu de ne pas avoir rencontrĆ© un “collĆØgue” Ć  sa hauteur, aussi espĆ©rait-t-il quā€™en Chine, ses rencontres seraient plus fructueuses dans ce domaine.
Lā€™Institut de Wushu lā€™avait introduit dans quelques Ć©changes mais il nā€™en Ć©tait guĆØre satisfait.
Finalement, il avait mentionnĆ© le nom de maĆ®tre Feng. Dā€™oĆ¹ la visite de ce collĆØgue.
En entendant cette “invitation”, Feng nā€™avait pas rĆ©agi. En son fort intĆ©rieur, il se disait :”Primo, je viens de prendre la retraite, quelque rĆ©cupĆ©ration pour ma propre santĆ© est nĆ©cessaire. Secundo, jā€™ai pris de lā€™Ć¢ge, les challenges ne sont plus pour moi. Tertio, un Ć©change avec un ‘Ć©tranger’ va induire une consĆ©quence sur le plan international: si tu gagnes, tu sauves lā€™honneur de ton pays, mais tu ne peux en aucun cas provoquer de la blessure physique.”
Mais voyant lā€™air implorant de son ami, finalement il accepta.
ArrivĆ© Ć  lā€™Institut de Wushu, Feng invita le maĆ®tre occidental Ć  lui montrer quelques prises.
– “Et alors ?” Demanda le maĆ®tre occidental.
– “Tu es trĆØs puissant sur la moitiĆ© supĆ©rieure de ton corps mais tu ā€˜flottesā€™ en bas car tu nā€™es pas enracinĆ©.” Lui rĆ©pond Feng.
Par fausse modestie, Ć©videmment non convaincu, le maĆ®tre occidental le pria dā€™ĆŖtre plus explicite.
Feng rĆ©pondit : “Dā€™accord ! Tu attaques et je rĆ©ceptionne.”
Lā€™occidental lui fonƧa dessus, en dĆ©ployant toute sa puissance.
Au mĆŖme instant, Feng dĆ©tend ses Ć©paules, relĆ¢che ses coudes, ses deux mains partent du bas et parent vers le haut, son pied droit insĆ©rĆ© naturellement vers lā€™entrecuisse du maĆ®tre occidental. En Taiji quan, cette prise est appelĆ©e “surprendre le haut, occuper le bas” et “transformer pour vider”.
Alors lā€™occidental, ayant frappĆ© dans le vide, donc sentant toute son Ć©nergie vidĆ©e, ne pressentait rien de bon. SimultanĆ©ment, une chaleur partait des doigts de Feng et atteignait la poitrine de lā€™adversaire qui fut projetĆ© en arriĆØre, contre le mur. Cette prise est appelĆ©e “La force unifiĆ©e en un point” et “quatre onces dĆ©vient les mille livres .”
Comme rĆ©veillĆ© aprĆØs un cauchemar, le maĆ®tre occidental ne saisit pas comment il sā€™Ć©tait abĆ®mĆ© contre le mur, sans avoir eu lā€™impression de recevoir un coup quelconque.
Il voulut faire un autre essai.
MĆŖme rĆ©sultat pour ce deuxiĆØme essai.
Devant ce bonhomme chinois Ć  lā€™air paisible de trente ans plus Ć¢gĆ© et plus petit dā€™une tĆŖte, le maĆ®tre occidental dit : “MaĆ®tre Feng, votre force interne est trĆØs puissante, vous reprĆ©sentez ce pouce ajoutĆ© Ć  celui-ci.” tout en montrant ses deux pouces pour lui exprimer lā€™exceptionnelle maĆ®trise martiale.
Feng rĆ©pondit en sortant son petit doigt : “En Chine, je reprĆ©sente ceci, Il existe beaucoup de maĆ®tres plus forts que moi.”
– “Ah oui ! OĆ¹ peut-on les rencontrer ?”
– “Ils habitent un peu partout en Chine. Certains habitent dans les hautes montagnes, dā€™autres sont cachĆ©s dans les bois, en ermitage.”
A partir de ce moment, le maĆ®tre occidental se mit Ć  pratiquer le Taiji quan, lā€™enseigna en Occident et se rendit rĆ©guliĆØrement Ć  Beijing pour rendre visite Ć  MaĆ®tre Feng.

DƩmonstration des grands maƮtres Ơ Shanghai.

En juillet 1982 fut organisƩe Ơ Shanghai une dƩmonstration nationale des maƮtres Taiji quan.
Lā€™effervescence crĆ©Ć©e par cet Ć©vĆ©nement dans le milieu des arts martiaux Ć©tait comparable Ć  la tempĆ©rature dā€™un mois estival : trĆØs Ā« chaud ! Ā» Et lā€™Å“il de ce “cyclone” Ć©tait justement la venue de Feng
Il y avait deux raisons de ce “pic”:
PremiĆØrement, tout le monde attendait Ć  voir de visu ce personnage ayant mis fin au dĆ©fi “venant dā€™occident.”
DeuxiĆØmement, Feng participait Ć  la soirĆ©e sans ĆŖtre accompagnĆ©, laissant aux organisateurs le choix de ses partenaires. Ainsi, cā€™Ć©tait lĆ  une occasion rare de voir dā€™authentiques confrontations en poussĆ©e de mains.
Le premier partenaire Ć©tait un pratiquant de Taiji quan. AprĆØs contact, une vrille de Feng le projeta contre la tribune officielle dont il renversa les tasses et les verres. Une salve dā€™applaudissements des spectateurs retentit dans la salle.
Une nouvelle rencontre eut lieu en plein air sur le terrain dā€™entraĆ®nement de lā€™Institut des Sports. La deuxiĆØme personne Ć©tait un maĆ®tre en casse, technique de qigong dur. Il Ć©tait connu Ć  Shanghai pour ĆŖtre “intraitable”.
Effectivement, dĆØs contact, le partenaire ne laissait aucun rĆ©pit Ć  Feng. Mais il fut ā€˜retournĆ©ā€™ et projetĆ© par terre ; au deuxiĆØme contact, il Ć©tait envoyĆ© Ć  plusieurs mĆØtres, en rasant le sol ; au troisiĆØme essai, il Ć©tait Ć  nouveau “sorti” latĆ©ralement.
Ainsi tous les invitƩs et spectateurs purent admirer des techniques de haut niveau, la maƮtrise et le travail de Feng.
Et surtout, les paroles du maĆ®tre de casse exprimĆØrent ce que toute lā€™assistance en pensait :
“Le travail de MaĆ®tre Feng est un travail authentique. Son Taiji est le vrai ā€˜taijiā€™.”
Depuis, une vĆ©ritable relation de MaĆ®tre ā€“Disciple sā€™est Ć©tablie entre eux.
Du coup, “Feng Zhiqiang : Taiji authentique” devint le sujet favori des milieux des arts martiaux de Shanghai.
A la demande des pratiquants, Feng resta trois mois Ć  Shanghai pour enseigner le Taiji quan. Beaucoup de pratiquants dā€™autres styles, se joignirent Ć  ses cours.
Durant son sĆ©jour, rĆ©guliĆØrement, des personnes, sous mille prĆ©textes, cherchĆØrent Ć  se confronter Ć  lui. Chaque fois, Feng prit soin de bien “doser” ses prises.
Tout le milieu des arts martiaux de Shanghai devint admiratif du haut niveau technique de Feng et de son respect pour la noblesse des arts martiaux.
Il sā€™y Ć©tait fait beaucoup dā€™amis.

Promotion du Taiji quan Ć  travers le monde.

Si Chen Fake a Ć©tĆ© le premier Ć  avoir portĆ© le Taiji quan style Chen depuis sa pratique familiale villageoise jusquā€™Ć  Beijing la capitale et lā€™avoir rendu accessible au grand public; si Chen Zhaokui, fils de Chen Fake, a Ć©tĆ© le premier Ć  vulgariser cette pratique Ć  travers les petites et moyennes villes chinoises, alors, on pourrait dire que Feng est celui qui a le plus investi dans lā€™enseignement et la promotion de ce style Ć  travers le monde entier,
A partir de 1984, lā€™annĆ©e oĆ¹ pour la premiĆØre fois, Feng fut invitĆ© officiellement au Japon, le Taiji quan style Chen et lā€™Ć©cole de Feng commencĆØrent Ć  ĆŖtre connus Ć  lā€™Ć©tranger.
Depuis presque vingt ans, Feng a visitĆ© maints pays : Japon, CorĆ©e, Mexique, Etats-Unis, Singapore, Suisse, SuĆØde, Finlande, Hollande, Espagne, Hongkong, en y animant des confĆ©rences et des stages et en renforƧant sans cesse les liens culturels entre la Chine et ces pays.
Chaque annĆ©e, en recevant des stagiaires venus des cinq continents, dā€™une trentaine de pays, il contribue Ć  faire connaĆ®tre cet art traditionnel chinois, le Taiji quan, aux quatre coins du monde.
Le Japon est le pays le plus visitĆ© par Feng. Depuis 1984, il sā€™y rend presque tous les ans. Ses stagiaires y sont pour la plupart des enseignants de Taiji quan ou des pratiquants de Judo, de KaratĆ© ou dā€™AĆÆkido.
Immanquablement, le milieu des arts martiaux japonais lui demande “des Ć©changes techniques”, Feng essaie de les satisfaire, en montrant toute la subtilitĆ© de son art. Et les maĆ®tres Sumo ont beaucoup apprĆ©ciĆ© ses techniques dā€™enroulement de la soie “Chansi jing”.
MĆŖme le responsable du Hapkido corĆ©en venu exprĆØs au Japon pour y rencontrer Feng se montra particuliĆØrement admiratif devant son travail interne de Hunyuan Taiji neigong.
A lā€™extĆ©rieur de la Chine, le milieu des arts martiaux qualifie Monsieur Chen Fake comme “le saint” en Boxe – Quansheng, Monsieur Hu Yaozhen comme “lā€™Ć¢me” en boxe ā€“Quanshen. En ce qui concerne Feng Zhiqiang, ayant hĆ©ritĆ© lā€™enseignement de ces deux Ć©minents maĆ®tres, les Japonais lui ont rĆ©servĆ© les plus grandes honneurs, en le qualifiant de “plus haut reprĆ©sentant chinois en Taiji quan”, “Taiji quan et Hunyuan qigong ā€“ le monde Ć  Feng Zhiqiang”, “Le Kung-fu de Feng profond comme la mer”.
Ses Ć©crits sont traduits en japonais et dix huit associations dā€™arts martiaux japonais se sont regroupĆ©es en “Centre japonais de recherche du Feng Zhiqiang Taiji quan” et de nouvelles Ć©coles se crĆ©ent en intĆ©grant les techniques du Taiji quan chinois, avec comme nom Taiji judo, Taiji karatĆ© ou taiji aĆÆkido.
En 1986, une tournĆ©e culturelle chinoise a eu lieu Ć  travers les Etats-Unis et le Mexique, organisĆ©e par lā€™Institut de Wushu de PĆ©kin. MaĆ®tre Feng en faisait partie.
Il a aussi assistĆ© au “Meeting des arts martiaux U.S”.
Partout oĆ¹ il Ć©tait, cā€™Ć©tait un ballet incessant de visiteurs, dā€™Ć©lĆØves, de challengeurs, chinois, occidentaux, noirs amĆ©ricains, Feng les recevait de bon cœur.
Son noble esprit et son haut niveau technique ont permis aux arts martiaux chinois de reprendre la place quā€™ils auraient dĆ» toujours occuper et ont beaucoup changĆ© les prĆ©jugĆ©es sur le Kung-fu Wushu comme: Le Wushu chinois nā€™est que “poing fleuri et pied qui tricote”[21] ou encore “Les techniques martiales chinoises ont disparu.”
Les Chinois dā€™outre-mer prĆ©nommaient Feng : “Le reprĆ©sentant du Taiji, lā€™art national authentique”. Un boxeur noir lā€™appelait: “Kung-fu papa.”
En 1988, lors dā€™un sĆ©jour de stage Ć  Singapore, Ć  peine descendu Ć  lā€™Institut national de Singapour, Feng a reƧu la visite dā€™un maĆ®tre des arts martiaux qui excellait en combat libre -Sanda, cascadeur dans des films de kung-fu, trĆØs connu dans les pays du Sud-Est asiatique. Il disait que depuis fort longtemps quā€™il entendait le nom de Feng, voulait faire quelques “Ć©changes techniques” avec lui. Il sā€™Ć©tait confrontĆ© au boxeur Ali qui nā€™avait pas eu lā€™effet escomptĆ©, mĆŖme Ć  la troisiĆØme frappe. Ali disait que la boxe chinoise est incroyable.
Voyant que les hĆ“tes ne parvenaient pas Ć  dĆ©courager ce maĆ®tre cascadeur, Feng accepta le challenge sur place malgrĆ© la fatigue du voyage. AprĆØs coup, ce monsieur, ravi, affirma : “Elle est bien vĆ©ridique votre renommĆ©e.” Il en profita pour sā€™inscrire Ć  tous les stages organisĆ©s, y compris le Taiji quan, le qigong, le taiji bĆ¢ton et le tuishou. En tenant compagnie Ć  maĆ®tre Feng quotidiennement, quatre mois aprĆØs, il avait Ć©normĆ©ment progressĆ©.
MaĆ®tre Feng est quelquā€™un dā€™intĆØgre. Il a refusĆ© de sā€™installer Ć  lā€™Ć©tranger et dĆ©clinĆ© les invitations privĆ©es Ć  forte rĆ©compense financiĆØre en disant toujours : “Ma racine est en Chine.” Et il sā€™efforce dans ses actes et paroles Ć  privilĆ©gier la patrie, le peuple, lā€™honneur de lā€™Ć©cole et la morale.

Laisser un hƩritage Ʃcrit.

MaĆ®tre Feng possĆØde non seulement une forte technique mais aussi une profonde culture dans les Ć©crits des arts martiaux. Il sait rassembler de plusieurs courants ce qui est juste et bon. GrĆ¢ce au cumul de ses expĆ©riences pratiques et Ć  la transmission orale de ses maĆ®tres, il a rĆ©ussi la synthĆØse des diffĆ©rents courants et condensĆ© par Ć©crit des principes essentielles.
Depuis une dizaine dā€™annĆ©es, on ne compte plus les livres Ć©ditĆ©s et les articles parus, ainsi que des dizaines dā€™enregistrement vidĆ©o. RĆ©guliĆØrement, ses Ć©crits paraissent dans les magasines spĆ©cialisĆ©s chinois et Ć©trangers, expliquant le sens profond du Taiji quan, dĆ©voilant des exercices gardĆ©s secrets jusquā€™Ć  prĆ©sent, ramenant lā€™authenticitĆ© dans lā€™entraĆ®nement et dĆ©veloppant lā€™idĆ©e de la prĆ©servation du Taiji quan.
Tout ceci a soulevĆ© un fort Ć©cho parmi les collĆØgues, trĆØs apprĆ©ciĆ©s des pratiquants. Certains de ses livres ont Ć©tĆ© traduits en langues Ć©trangĆØres et rĆ©-Ć©ditĆ©s plusieurs fois. Pour dā€™autres, les droits dā€™auteurs ont Ć©tĆ© achetĆ©s par les Ć©diteurs Ć©trangers.
Ces Ć©crits de maĆ®tre Feng reprĆ©sentent le fruit de recherche et dā€™expĆ©riences de toute une vie consacrĆ©e Ć  cet art. Cā€™est un bien prĆ©cieux cadeau pour le dĆ©veloppement du Taiji quan et une impulsion pour le rayonnement mondial des arts martiaux chinois.
MaĆ®tre Feng rĆ©pĆØte souvent : “Si le Taiji quan peut contribuer au bien-ĆŖtre et la prĆ©servation de la santĆ© de lā€™HumanitĆ©, cā€™est bien lĆ  ma plus grande rĆ©compense et mes vœux les plus chers.”